1. |
Nuages
02:15
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Nuages (Minou Drouet)
Nuages,
haies de plumes
oiseaux d'écume
oiseaux aux grandes ailes
venus de mon ailleurs,
nuages,
ventre battant d'animal pris au piège
nuages,
caniche d'ouate
né du rêve d'un enfant malade
nuages,
voiles d'un bateau qui me montre le chemin,
le chemin fluide du silence.
Nuages,
montagnes qui viennent vers moi
rien qu'un reflet chantant.
Nuages,
féerie du ciel dont un coup de vent
fera en une seconde
des confettis
de cristal.
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2. |
Eïa pour les Iles
01:43
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Eïa, Eïa…
Eïa, pour la joie
Eïa, pour l’amour
Eïa…
Pour la douleur au pis des larmes…
Réincarnées…
Eïa, Eïa, Eïa…
Quels précautionneux sorciers déferraient à vos chevilles la tiédeur visqueuse des mortels anneaux ?
Iles cicatrices des eaux,
Iles évidences de blessures
Iles miettes
Iles informes
Iles mauvais papier déchiré sur les eaux
Iles tronçons côte à côte fichés sur l’épée flambée du soleil
Raison rétive
Tu ne m’empêcheras de lancer, absurde sur les eaux au gré des courants de ma soif,
Votre forme,
Iles difformes
Votre fin
Mon défi…
Au bout du petit matin, flaques perdues, parfums errants, ouragans échoués,
coques démâtées, vieilles plaies, os pourris, buées, volcans enchaînés…
J’accepte…
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3. |
Au Bout du Petit Matin
02:56
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Au bout du petit matin
Me voici divisé des oasis fraîches de la fraternité
Cet horizon trop sûr tressaille comme un geôlier
Au bout du petit matin
Ton dernier triomphe… corbeau tenace de la Trahison
Je refuse de me donner mes boursouflures comme d’authentiques gloires
Et je ris de mes anciennes imaginations puériles
J’entends de la cale monter les malédictions enchaînées
Les hoquètements des mourants
Le bruit d’un qu’on jette à la mer
Les abois d’une femme en gésine
Des raclements d’ongles cherchant des gorges
Des ricanements de fouet…
Des farfouillis de vermine parmi des lassitudes…
Ainsi soit-il. Ainsi soit-il.
Je ne suis d’aucune nationalité prévue par les chancelleries
Je défie les craniomètres : « Homo sum… etc. »
Et qu’ils servent et trahissent et meurent.
Ainsi soit-il. Ainsi soit-il.
C’était écrit dans la forme de leur bassin.
Et moi et moi… moi qui chantais le poing dur
Il faut savoir jusqu’où je poussais la lâcheté
Tiède petit matin de vertus ancestrales…
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4. |
Debout
02:50
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J’accepte, j’accepte tout cela…
Merveilleusement couché, le corps de mon pays dans le désespoir de mes bras,
ses os ébranlés, et dans les veines, le sang qui hésite comme la goutte de lait végétal
à la pointe blessée du bulbe…
Et voici soudain que force et vie m’assaillent comme un taureau et l’onde de vie circonvient la papille du morne, et voilà toutes les veines et veinules, qui s’affairent au sang neuf, et l’énorme poumon des cyclones qui respire, et le feu thésaurisé des volcans, et le gigantesque pouls sismique qui bat maintenant la mesure d’un corps vivant, en mon ferme embrasement…
Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme, et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience, comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique.
Et la voix prononce que l’Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie
que nous n’avons rien à faire au monde
que nous parasitons le monde
qu’il suffit que nous nous mettions au pas du monde
Mais l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer
et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée au coin de sa ferveur
Aucune race ne possède le monopole de la beauté de l’intelligence de la force
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5. |
Colombe
02:01
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je te livre mes paroles abruptes
dévore et enroule-toi
et t’enroulant embrasse-moi d’un plus vaste frisson
embrasse-moi jusqu’au nous furieux
embrasse, embrasse -NOUS
mais nous ayant également mordus
jusqu’au sang de notre sang mordus !
embrasse, ma pureté ne se lie qu’à ta pureté
mais alors embrasse
comme un champ de justes filaos
le soir
nos multicolores puretés
et lie, lie-moi sans remords
lie-moi de tes vastes bras à l’argile lumineuse
lie ma noire vibration au nombril même du monde
lie, lie-moi, fraternité âpre
puis m’étranglant de ton lasso d’étoiles
monte, Colombe,
monte
monte
monte
je te suis
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6. |
Eclipses
01:46
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La couleur des saluts fabuleux obscurcit jusqu'au moindre râle : calme des soupirs relatifs. Le cirque des bonds malgré l'odeur de lait et de sang caillé est plein de secondes mélancoliques. Il y a cependant un peu plus loin un trou sans profondeur connue qui attire tous nos regards, c'est un orgue de joies répétées. Simplicités des lunes anciennes, vous êtes de savants mystères pour nos yeux injectés de lieux communs.
La fenêtre creusée dans notre chair s’ouvre sur notre cœur. On y voit un immense lac où viennent se poser à midi des libellules mordorées et odorantes comme des pivoines. On ne sait jamais ce que les filles de ce pays sans or nous apportent de liqueurs condensées.
Le promontoire de nos péchés originels est baigné des acides légèrement colorés de nos scrupules vaniteux; la chimie organique a fait de si grands progrès.
On entend les cris d'effroi des goélands égarés, traduction spontanée et morbide du langage des colonies outragées.
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7. |
Les Moulins
02:05
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Là-dessus ils découvrirent trente ou quarante moulins à vent qu'il y a en cette plaine, et, dès que don Quichotte les vit, il dit à son écuyer :
« La fortune conduit nos affaires mieux que nous n'eussions su désirer, car voilà, ami Sancho Pança, où se découvrent trente ou quelque peu plus de démesurés géants, avec lesquels je pense avoir combat et leur ôter la vie à tous, et de leurs dépouilles nous commencerons à nous enrichir : car c'est ici une bonne guerre, et c'est faire grand service à Dieu d'ôter une si mauvaise semence de dessus la face de la terre.
- Quels géants ? dit Sancho.
- Ceux que tu vois là, répondit son maître, aux longs bras et d'aucuns les ont quelquefois de deux lieues.
- Regardez, monsieur, répondit Sancho, que ceux qui paraissent là ne sont pas des géants, mais des moulins à vent et ce qui semble des bras sont les ailes, lesquelles, tournées par le vent, font mouvoir la pierre du moulin.
- Il paraît bien, répondit don Quichotte, que tu n'es pas fort versé en ce qui est des aventures : ce sont des géants, et si tu as peur, ôte-toi de là et te mets en oraison, tandis que je vais entrer avec eux en une furieuse et inégale bataille ».
Et disant cela, il donna des éperons à son cheval Rossinante, sans s'amuser aux cris que son écuyer Sancho faisait.
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8. |
Il pleure dans mon Cœur
03:49
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« Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ? »
(*) L’ethnographe, Romain Huët, explore les figures du sujet fatigué, de l'épuisé, du malheureux, des personnes ordinaires exprimant un désaveu pour la vie, en raison de leurs difficultés à affronter le quotidien. Archéologue de ce que les gens ont fait, et de ce qu’on a fait aux gens, il interroge le devenir politique de cette souffrance, qui témoigne de l’une des formes les plus intimes qu’exerce la brutalité de la société.
« Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ? »
« Au téléphone, il y a la voix, parfois la difficulté à respirer ou des personnes qui n’arrivent pas à prononcer une seule parole, il y a parfois la très grande difficulté à se dire, mais aussi la très grande lucidité, et l’écoutant ne sert à rien d’autre que d’en être le témoin. »
« Très peu de personnes font un diagnostic de leur état individuel, en le reliant à l’état de la société… Il y a un commun de la souffrance… »
« Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine ! »
Paul Verlaine, (1844-1896), Romances sans paroles, 1874.
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9. |
Sous mes Yeux
02:26
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Sous mes yeux, le feu brûle dans la cheminée
Le bois se consume
Flammes, braises, puis cendres
Il ne reste presque plus rien
Seule la joie indicible, à peine perceptible
Sous mes yeux, l’iris majestueux
Deux nouvelles fleurs s’ouvrent
Deux autres fleurs se ferment
Sans faire de bruit
Joie indicible, de l’à peine perceptible
Sous mes yeux, la tristesse
De ne plus pouvoir communiquer avec mes proches
Le fossé se creuse
Nos mondes sont trop éloignés
Tristesse acceptée
Joie indicible de la peine perceptible
Sous mes yeux, la vision claire
De la fin de mon chemin sur cette terre
Vision apaisée du fruit mûr
Qui tombe à terre
Joie indicible du cycle qui s’accomplit
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10. |
Toucher Terre
02:09
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Ne pas,
Surtout pas toucher terre, dit l'enfant.
Quelle herbe dans ces herbes est l'herbe qui hurle ?
Où poser le talon sans éveiller la bête ?
Chut, murmure la mère...
Ne chante, ne danse pas
Les gueules de feu avalent la jambe
La jambe du chant,
La jambe de la danse
J'irai répond l'enfant
Je chanterai, je danserai
Dans les airs et sur les eaux
Et s'ils minent les rêves
Je volerai au-dessus de mes rêves
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11. |
Laminaire
03:47
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J’habite une blessure sacrée
j’habite des ancêtres imaginaires j’habite un vouloir obscur
j’habite un long silence
j’habite une soif irrémédiable
j’habite un voyage de mille ans
j’habite une guerre de trois cent ans j’habite un culte désaffecté
entre bulbe et caïeu j’habite l’espace inexploité j’habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la caleuse à toute allure et brûle toutes les mosquées
je m’accommode de mon mieux de cet avatar d’une version du paradis absurdement ratée
-c’est bien pire qu’un enfer-
j’habite de temps en temps une de mes plaies chaque minute je change d’appartement
et toute paix m’effraie tourbillon de feu
ascidie comme nulle autre pour poussières de mondes égarés
ayant crachés volcan mes entrailles d’eau vive
je reste avec mes pains de mots et mes minerais secrets
j’habite donc une vaste pensée
mais le plus souvent je préfère me confiner dans la plus petite de mes idées
ou bien j’habite une formule magique les seuls premiers mots
tout le reste étant oublié j’habite l’embâcle
j’habite la débâcle
j’habite le pan d’un grand désastre j’habite souvent le pis le plus sec
du piton le plus efflanqué-la louve de ces nuages- j’habite l’auréole des cactacées
j’habite un troupeau de chèvres tirant sur la tétine de l’arganier le plus désolé
à vrai dire je ne sais plus mon adresse exacte bathyale ou abyssale
j’habite le trou des poulpes
je me bats avec un poulpe pour un trou de poulpe frères n’insistez pas
vrac de varech
m’accrochant en cuscute ou me déployant en porona c’est tout un
et que le flot roule
et que ventouse le soleil et que flagelle le vent ronde bosse de mon néant
la pression atmosphérique ou plutôt l’historique agrandit démesurément mes maux
même si elle rend somptueux certains de mes mots.
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12. |
Aurore
02:28
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La nature est tout ce qu’on voit,
Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.
Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,
Tout ce que l’on sent en soi-même.
Elle est belle pour qui la voit,
Elle est bonne à celui qui l’aime,
Elle est juste quand on y croit
Et qu’on la respecte en soi-même.
Regarde le ciel, il te voit,
Embrasse la terre, elle t’aime.
La vérité c’est ce qu’on croit
En la nature c’est toi-même.
George Sand, Contes d’une grand-mère, 1873
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